vendredi 13 novembre 2015

Tarentules et serpents à sonnette - Km 4560 à 5460

Enfin, nous avons atteint un de nos objectifs qui était de nous rendre à Austin, une ville incontournable pour deux voyageurs à vélo. Mais avant d'y parvenir, nous avons traversé l'ouest du Texas...


Tout d'abord, au Texas, c'est très venteux. Extrêmement. Toutes nos journées ont été influencées par ce facteur météo. En quittant Roswell le matin du 4 novembre, un terrible vent de côté nous fait pédaler croche et nous donne du fil à retordre. La température est parfaite, pas trop chaude ni trop froide. Nous roulons en chemise, car le vent rafraîchit l'air ambiant. Il fait autour de 21°C et le relief est très plat. En cours de route, on va s'arrêter pour prendre une pause. Et on a une de ces frayeurs ! François va voir à la dernière seconde un serpent dans les herbes hautes. Il a manqué proche de marcher dessus. On s'approche assez près pour le regarder. Il est de la même couleur que les plantes et les herbes, un camaïeu de verts et bruns. François a la brillante idée de l'attraper, mais Ariane n'aime pas trop les reptiles et n'a aucune envie de toucher à ça. Heureusement, car quelques secondes plus tard, le serpent remarque notre présence et se met à agiter la queue. Tellement vite qu'elle fait un bruit de sonnette...!!! Même si nous n'en avons encore jamais rencontré, on sait tous que serpent à sonnette égale danger. On s'écarte et la pause est finie. Ouff !! En fin de journée, on s'arrête à Caprock qui se résume à un restaurant, ouvert de 10h à 14h. Il est fermé lorsqu'on y arrive après 87 km. On réussit à conserver une moyenne de 15 km/h en 5:49 de vélo. Plus tard dans la soirée, on rencontre une femme qui nous recommande de faire attention aux serpents, il y en a beaucoup ces temps-ci. Son mari en a tué 5 hier. Elle nous dit aussi de ne pas se camper dans les herbes hautes et d'être prudents, surtout lorsque les températures sont élevées. Le venin de ces serpents est mortel et la douleur associée à une morsure est terrible. Rassurés (pas pantoute !), on la remercie de ses précieux conseils et on va se coucher en rêvant aux serpents. Tsssssssssss


Au matin, vers 6h, le propriétaire du restaurant est déjà arrivé et nous offre une brioche à la cannelle. Nous qui pensions nous lever tôt et partir avant que notre présence ne soit remarquée ! On placote un peu avec le monsieur qui a tôt fait de nous informer de la présence des serpents à ce temps-ci de l'année. Il nous raconte pleins d'histoires effrayantes de serpents venimeux avec son accent du sud. Il nous est difficile de tout comprendre... On a même eu droit à la queue séchée d'un serpent à sonnette de 3 pieds de long qu'il avait tué. La plupart des gens les tuent et conservent leur queue. À chacun son passe-temps ! 


On débute notre journée de vélo à 7h35 et cette journée marquera un nouveau record. On a un petit vent de côté pour la première heure de vélo, rien de bien dérangeant. On traverse la frontière du Texas, notre 8e état et on avance l'heure d'une heure. 


Vers 9h, un vent de 48 km/h (selon la météo locale) nous poussera dans le dos (oui oui, une vent DE DOS !!!) et nous fera parcourir 175 km à travers l'ouest du Texas. Cette partie de l'état est très plate et l'accotement est superbe : large et roulant. Nous atteignons des vitesses de 50 km/h sur du plat, sans vraiment forcer. On va vite, ce n'est pas difficile, la route n'est pas dangereuse... Quoi demander de mieux ! Au passage, nous remarquons des chevalets de pompage pour le pétrole. Nous pouvons en compter plus de 50 si on fait un 360° autour de nous. Il y en a vraiment partout, à perte de vue. Nous entrons aussi dans une zone appelée « la plus grande zone de culture de coton au monde ». À part ces espèces de tête de cheval qui pompent le pétrole du sous-sol texan, il n'y a que des champs de coton sur 160 km carrés. C'est très beau, nous sommes en plein dans la saison de la cueillette. Le coton est une plante plutôt petite et brune. Lorsque le coton est en fleur, tout le champ est blanc. Puisqu'il vente autant, il y a des boules de coton partout sur le bords des routes. Nous voyons aussi des balles de coton récolté. On prend des photos, on touche et c'est super doux. Nous n'arrêtons pas trop souvent, on veut profiter du vent le plus possible. Finalement, on va devoir arrêter de pédaler car il fait presque noir et nous ne voulons pas trouver de campement à la noirceur pour plusieurs raisons : on ne peut pas voir ce qui se trouve par terre. Par exemple, des serpents ou même des tarentules, des petits cactus ou autres indésirables (excréments frais). Nous monterons le campement dans une cour d'école à Welch, un très petit village. On se dit que dans une cour d'école, la pelouse est tondue et les serpents sont surement chassés avec assiduité.




On se réveille, pas trop fatigués. Bonne nouvelle :) Par contre, nous avons oublié d'avancer l'heure sur nos appareils électroniques, et donc nous partons une heure plus tard selon l'heure du Texas. Avant de quitter, nous rencontrons deux professeurs de l'école qui viendront nous poser des questions sur notre voyage. Ils ne sont pas du tout embêtés de nous trouver là et nous aurons même droit à deux tortillas aux oeufs avec de la salsa piquante pour déjeuner. On remarque ici l'influence de la cuisine mexicaine. Un peu plus tard dans la journée, nous cherchons à nous procurer du gaz pour remplir nos bouteilles. Après avoir fait plusieurs détours et visité quelques magasins, tout ce que nous trouvons est une bouteille de 4L. C'est trop gros et trop cher. Mais nous sommes vraiment à sec. Que fait-on? On est sur le bord de la porte pour entrer dans une quincaillerie et on hésite. Deux monsieurs sortent du magasin et nous abordent. Ils nous posent des questions, nous demandent ce qu'on fait et tout. À la fin de la courte conversation, un des monsieur nous donne 25$ en nous souhaitant « Good travel and be safe !». Eh bien...merci !!! On n'hésite plus, on entre dans le magasin pour acheter la grosse canne de gaz de 4L. Finalement, le propriétaire de la quincaillerie, généreux, décide de remplir nos bouteilles gratuitement...Wow ! Le Texas est généreux avec nous aujourd'hui ! On termine notre journée à Ackerly, petite ville 30 km avant Big Spring. C'était là que nous voulions nous rendre pour pouvoir prendre une douche, mais il ventait assez fort, un de ces vents de face qui réduit nos efforts à néant pour avancer plus vite. On va dormir à côté de la caserne de pompier, ou plutôt à l'intérieur, en faisant très attention pour ne pas marcher dans l'herbe haute.


On quitte Ackerly à 7h50 et il fait plutôt froid, nous sommes encore à près de 850 m d'altitude. La température change très rapidement. Dès que le soleil nous frappe de ses rayons, on doit s'arrêter et procéder à une thermorégulation (on enlève des couches de vêtements). Nous pédalons aussi notre 5000e km :) On dîne à côté d'une épicerie et bien vite, quelqu'un vient nous parler. On jase un peu et finalement, on se fait offrir de prendre une douche. Cycliste lui aussi, ce monsieur était impressionné par notre voyage et voulait même nous inviter à dormir. C'était la 5e journée que nous pédalions sans autre forme de lavage que des lingettes humides. Nous en profiterons pour laver nos bas, une paire de cuissard et quelques sous-vêtements à la main. Et on repart pour un long «stretch». Avant Sterling City, il n'y a rien d'autre que des ranchs. C'est un peu compliqué pour dormir, car tout appartient à quelqu'un. On prend une pause à une halte routière et on se demande quoi faire. Est-ce qu'on campe ici, à côté de la route où c'est très bruyant ou on continue ? Il fait presque noir et selon les calculs d'Ariane, nous ne sommes qu'à 17 km de Sterling City. On installe nos frontales, on allume toutes nos lumières, on met notre dossard et on part. Sauf que Ariane devait être fatiguée...car il manquait 10 km à ses calculs. On parvient en ville à 19h30 et il fait très noir. Une chance que le temps est doux, nous avons pédalé seulement en cuissard et polar. On va se tenter à côté de l'école secondaire, près d'une petite route et avec, en prime, une table à pique-nique. Nous aurons fait 117 km cette journée-là et nous aurons établi un nouveau record : nous avons pédalé pendant 7:45 !


Le matin du 8 novembre, nous dormons un peu plus longtemps que d'habitude. Nous avons une baisse de motivation. Le vent nous ralentit, le paysage n'est pas très attrayant, il n'y a pas beaucoup de villes, elles sont petites et souvent il n'y a rien à manger. Nous ne pouvons pas accoter nos vélos sur le bord de la route lorsqu'on prend des pauses, il n'y a rien. Pas de poteau, pas d'arbre. Les journées sont longues. On aura un manque de motivation pendant 3-4 jours. On pédale depuis 72 jours et c'est la première fois que cela nous arrive. Donc on part à 9h en direction de San Angelo, ville de près de 100 000 habitants. La journée sera difficile et venteuse. Nous terminons notre journée à 18h50 et nous dormirons en périphérie d'un stade de baseball.

Le lendemain matin, c'est la même chose, on a de la difficulté à se lever tôt. On est prêt à partir à 9h25 et nous ne ferons que 73 km jusqu'à Eden. La journée sera venteuse, ennuagée le matin et dégagée avec un soleil tapant en après-midi. Il fait de plus en plus chaud et nous suons beaucoup. Nous aurons une douche maison avec de l'eau chauffée dans nos casseroles sur le réchaud. Nous monterons le campement dans un parc, juste à côté de la piscine qui est malheureusement fermée pour «l'hiver».

Nous partons de cette petite ville à 9h et nous pédalons 50 km sans pause jusqu'à Brady. On se renseigne et nous prendrons notre douche gratuitement au parc de la ville. Nous pédalerons encore 30 autres kilomètres jusqu'à Voca où nous dormirons à côté de la caserne de pompier. Ce soir-là, nous aurons un festin pour souper. François nous a acheté des steaks, de la choucroute et du vin afin de nous motiver. Nous ne sommes plus qu'à 200 km d'Austin !

Au matin, les pompiers volontaires vont nous offrir du café, mais nous sommes prêts à partir et nous avons déjà pris notre café matinal. Nous prenons le large à 8h35 et la température est déjà chaude. Et elle le sera encore plus à mesure que la journée avancera. Le Texas n'est pas plat partout, on commence à voir des petites côtes et des arbres feuillus à côté des cactus. Le paysage est de plus en plus beau et verdoyant. Ce que nous avons également constaté au courant des derniers jours, ce sont les animaux morts. Il y en a tellement, c'en est écoeurant. L'odeur est tout simplement dégueulasse et nous attaque les narines, carrément. Même si nous ne voyons pas tous les animaux que nous sentons, il doit bien y en avoir une centaine par jour. Certains sont même étalés sur plusieurs longueurs de vélo. Ouach hen ? On essaie de de pas rouler dessus et de les éviter. Nous verrons beaucoup trop de chevreuils, mais aussi des chats, des chiens, des coyotes, des ratons, des serpents, des tortues et des tatous. Cet animal est l'emblème du Texas, en passant. Bref, ça pue. Quoi de mieux pour nous motiver à avancer plus vite ! Fuir l'odeur et les corps d'animaux morts. Nous ne savons pas pourquoi il y en a autant.

Au moins les vaches «longhorn Texas» sont bien vivantes !


Bref, on se rend jusqu'à Sandy Harbor où nous dormirons sur la pelouse d'une église dans laquelle il n'y avait personne (nous avons cogné). Nous prendrons notre douche avec le tuyau d'arrosage. L'eau est tiède et la nuit, trop chaude. Nous garderons les portes des deux vestibules ouvertes et nous ouvrirons nos sacs de couchage pour s'en servir comme des couvertes.

On quitte Sandy Harbor à 8h25 et la journée ne sera qu'une suite de montées et de descentes interminables. Avec un vent de face, c'est vrai. Un peu avant d'arriver en ville, nous croisons un cycliste qui habite le centre-ville d'Austin et il se fera un plaisir de nous guider à travers les nombreux choix de routes qui s'offrent à nous. Certaines sont très achalandées, d'autres n'ont pas d'accotement et d'autres ont des voies cyclables, mais le cycliste sait quelle route est la meilleure. Nous arrivons au centre-ville à 14h15, super ! Nous cassons la croûte avec une pizza et une bière locale, notre première du Texas.

Nous prenons une journée de congé, une vraie cette fois-ci, le vendredi 13 novembre. On va pouvoir laver nos vélos, faire l'épicerie, faire une brassée de lavage, consulter les cartes et choisir notre route qui nous mènera vers l'est. Peut-être aurons-nous la chance d'aller visiter la belle ville d'Austin, mais nous avons besoin de reposer nos jambes, notre corps et de revivifier notre mental. En théorie, il nous reste 2500 km jusqu'à la destination finale de notre voyage et nous sommes au jour 77.